Le Bayou (1987)

Une journaliste new-yorkaise et sa fille se rendent en Louisiane, sur une petite île isolée au fond des bayous, à la rencontre de lointains cousins dont ils ne connaissaient pratiquement rien. La rencontre des deux mondes impose un climat de défiance et le passé menace de ressurgir.

© The Cannon Group

États-Unis / 1987 / 114 mn / couleur
Réalisation : Andreï Kontchalovski
Scénario : Gérard Brach, Marjorie David, Andreï Kontchalovski
Musique : Edgar Froese, Paul Haslinger
Distribution : Barbara Hershey, Jill Clayburgh, Martha Plimpton, Merritt Butrick, Don Swayze, John Philbin

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Drame familial, fable écologiste, film d’apprentissage, survival, parfois à la lisière du fantastique, Le Bayou (Shy People) brasse plusieurs couleurs sans jamais s’appesantir sur son argument de départ (très) classique, assez faible : la rencontre de deux mondes radicalement opposés (ville/campagne ; bourgeois/pauvres ; Nord/Sud). Au contraire, l’intelligence du scénario repose sur la déconstruction minutieuse des certitudes du spectateur et une montée crescendo de la violence sous-jacente. Si les personnages principaux restent archétypaux, ils constituent aussi une formidable galerie de monstres-humains broyés par les affres de l’existence, notamment les femmes, brutalisées à chaque instant de leur vie, qu’elles soient privilégiées ou non.

Tourné dans le pays Cajun, dans la paroisse de Catahoula et dans les marécages de l’Atchafalaya, Le Bayou accorde une grande place à la rudesse des paysages, humides et mystérieux, derniers refuges d’une famille oubliée par la modernité et repaires brumeux des braconniers dépravés. Pour Andreï Kontchalovski, grand cinéaste russe passé un temps à Hollywood, le film est aussi une métaphore de la société communiste soviétique : le portrait inquiétant du père absent évoque la figure tutélaire de Staline et la toxicité des relations entre la mère et ses fils reflète la dualité primitive du pouvoir à l’est, toujours partagé entre la main de fer et la nécessité de faire communauté.

Barbara Hershey, impressionnante en mère tyrannique et brutale, fut récompensée du prix de la meilleure interprétation féminine au Festival de Cannes 1987.

Julien Morvan

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